Le monde du livre est confronté, comme nombre de secteurs d’activités, à la crise due au coronavirus. Depuis le 16 mars, date du début du confinement, les librairies ont dû fermer leurs portes, car considérées par le gouvernement comme des « commerces non indispensables ». « L’économie de notre secteur est régulée par la Loi sur le prix unique du livre et de ce fait, nos marges sont constituées par les diffuseurs. Avec elles, nous sommes censés équilibrer les budgets de notre commerce et si possible, faire des bénéfices qui servent à payer les frais fixes (loyer, électricité, abonnements internet… et la masse salariale » rappelle Christian Thorel, le patron d’Ombres blanches à Toulouse. Malgré la spectaculaire hausse de la vente en ligne (le double du chiffre d’affaires habituel sur ce segment), la chute globale de l’activité a obligé à repenser le temps de travail. L’établissement a eu recours au chômage partiel - prolongé jusqu’à fin mai pour certains salariés - et a opté pour la contraction des jours ouvrables - cinq jours au lieu de six comme auparavant- à partir du 12 mai, date de la réouverture au public. Les rencontres-débats sont annulées jusqu’à nouvel ordre mais les expositions qui se déroulent à l’espace à côté de la librairie Langues étrangères de la rue Mirepoix, à l’instar de celle consacrée à l’éditeur et photographe François Lagarde, sont maintenues.
Peggy Ferré, qui a ouvert sa librairie L’Exemplaire, à Plaisance-du-Touch, il y a un an et demi, ne connaît pas les mêmes difficultés. La jeune gérante a pu les pallier, grâce au dispositif d’aide de 1500 euros issu du Fonds de solidarité ainsi que le prêt garanti par l’Etat. Elle peut aussi compter sur ses clients avec qui elle n’a jamais coupé les ponts pendant cette période de « convalescence forcée ». « Le retrait des commandes en mode drive que j’ai mis en place à raison de deux sessions hebdomadaires, me conforte dans l’idée que les gens ont à coeur de faire vivre le petit commerce. C’est rassurant ». Mais les clients devront faire preuve de patience pour découvrir des nouveautés. « Elles vont apparaître progressivement à partir de la semaine du 18 mai » précise Etienne Peter, directeur commercial du Comptoir du livre, diffuseur indépendant au service de plus de 5500 libraires, maisons de presse et G.M.S. (grandes surfaces spécialisées) dans toute la France, dont le siège est basé à Portet-sur-Garonne. « Malgré le fait que l’activité va être boostée par les sorties des derniers livres d’auteurs à succès comme Guillaume Musso ou Joël Dicker, il faut que nos clients soient en capacité de supporter les volumes livrés. Nous devons rester raisonnables par rapport à leurs encours financiers ».
Dominique Auzel, le directeur des éditions Privat, est lui aussi plutôt optimiste et continue de travailler sur des projets éditoriaux. « Nous ferons le bilan en fin d’année pour savoir si l’on peut parler de désastre mais il me semble que le livre est moins touché que les arts vivants et le cinéma. Nous nous adaptons à la situation et repoussons la sortie de certains titres puisque les représentants de notre diffuseur n’ont pu prospecter. Avec mes collaborateurs, nous avons opté pour le télétravail et les visioconférences via Skype ou Zoom ».
Le son de cloche est différent chez Sophie Aman, à la tête du Vengeur Masqué, une petite maison d’édition toulousaine spécialisée dans les livres pour enfants, qui puise dans sa trésorerie pour pouvoir vivre. « Cette période est très délicate car nos titres sont vendus quasi-exclusivement dans les librairies indépendantes. Et il faudra faire face à leurs retours d’ici quelques mois. Nous sommes aussi en négociation avec les directeurs des divers salons annulés à cause du virus, pour être remboursés de nos achats de stands. Mais nous avons bon espoir d’y parvenir. »
Mathieu Arnal