AJT-MP... L’Association des Journalistes de Toulouse et sa région

Tchao Manu

publié le lundi 21 janvier 2019

Photo Ulrich Lebeuf, avec son aimable autorisation.

Notre ami et confrère Jean-Manuel Escarnot est décédé vendredi 11 janvier, des suites d’une longue maladie, comme on dit pudiquement. Il n’était pas du genre à aimer ou souhaiter hommages et commémorations. Pour la Lettre de l’AJT, nous avons demandé à Gilbert Laval d’évoquer le personnage, l’ami, unique et attachant. Voici son texte.

Il a joué les Trompe-la-mort en cachant le plus longtemps possible son état au plus de monde possible. Je ne serai pas un Trompe-la-vie en enfilant comme des perles ses éventuelles qualités de journaliste. Il en avait. Ce qui nous attache à lui n’a rien à voir avec cette profession. Il avait un stylo, mais nous avons tous des stylos. Il était juste le seul à être comme Droopy que Tex Avery aurait dessiné un stylo à la patte. Jean-Manuel Escarnot, Manu, c’est définitivement l’ami tragique.

L’ami Manu s’est égaré en d’autres temps sur des chemins artificiels, voire pétaradants où il aurait pu tout entier se perdre. Il s’est de toute façon égaré un peu partout. Sauf qu’il avait le génie du Labyrinthe. Il a gardé le cap quand le journalisme alimentaire l’a contraint à travailler pour des titres à l’opposé de ses convictions. Sa boussole magique a fait qu’il s’y est toujours retrouvé entre ses divers cercles de proches qu’il n’entendait pas voir se croiser. Il n’a simplifié la vie d’aucun de ces proches. Lesquels, lesquelles lui pardonnaient sachant que lui, rien ne lui avait simplifié la vie.

Les journalistes le savent mieux que quiconque, qui ont ont eu tant d’hommages à entendre en tant de commémorations. Ils savent qu’un parfait crétin vivant devient un personnage lumineux à l’heure d’être inhumé. Ceux d’entre nous qui ont connu le défunt, de « Tout Toulouse », du « Satiricon » au quotidien « Libération », pourraient dire qu’il était humble, tout en retrait et d’un regard professionnel aiguisé. Les mêmes pourraient ajouter qu’il était parfois confus, maladroit sans ses expressions et n’obéissant qu’à ses propres codes. Mais ces mêmes s’en contrefichent. Parce que Manu était tel qu’ils aimaient qu’il fût, l’œil terne et la voix monocorde, son œil rivé par-dessus leur épaule comme s’il distinguait, comme s’il devinait ce qui pourrait bien advenir, ou du moins ce qu’il souhaitait qu’il advienne.

Dans sa « Légende des Siècles », Victor Hugo disait des Chevaliers Errants qu’ils étaient “justes, bons, lugubres, généreux”. Peut-être faudrait-il imaginer que Manu a été un journaliste errant. C’est un des alexandrins suivants qui le définirait alors de la façon la plus juste, qualifiant lesdits errants : “Tragiques, ils avaient l’attitude du rêve”.

Gilbert Laval

(« Libération » - 1985-2015)

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