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Laurent Dubois : “Les journalistes doivent accepter les critiques. Mais les élus ont le devoir d’accepter la contradiction ”

publié le lundi 12 septembre 2016

5 ans après sa création, le blog politique de France 3 Midi-Pyrénées s’est installé dans le paysage médiatique régional. Laurent Dubois, son principal contributeur, revient pour l’AJT-MP sur sa genèse, son positionnement et son développement. Un blog qui peut prendre la forme d’un poil à gratter, irritant certains élus. Cet entretien est également l’occasion d’annoncer le lancement de deux nouvelles émissions politiques : « Dimanche en politique » et « Politique Café ».

AJT-MP : Le blog politique de France 3 Midi-Pyrénées a été créé il y a cinq ans. Pouvez-vous retracer sa genèse et son évolution jusqu’à aujourd’hui ?

Laurent Dubois : Au départ, il s’agissait d’un espace d’opinions. Avec Patrick Noviello, nous produisions des tribunes et des éditos. A l’époque, le blog est totalement couplé avec le magazine que nous présentons avec Patrick le samedi matin. Ce n’est pas encore un produit Web avec une vraie identité éditoriale. C’est en 2013 qu’un premier tournant éditorial est pris. Laurent Mazurier, notre ancien rédacteur en chef, a décidé d’en faire un vrai support d’information, avec la création de premières rubriques, telles que Coulisses, interview, petites phrases… Un nouveau cap a été franchi avec Fabrice Valéry et son arrivée à la tête des supports Web de France 3 : il va booster notre support en créant une synergie avec le site de France 3 et en utilisant systématiquement Facebook et Twitter. Il faut ajouter dans notre petite « dream team » notre éditrice Web, Emmanuelle Gayet. Les chiffres sont bons et la marque du blog existe. Les médias nationaux nous reprennent, à l’instar du « Monde », du Lab d’Europe 1, du « Figaro »… En 2015 nous avons obtenu le titre de blog le plus vu dans le réseau national des blogs de France 3. Notre couverture géographique s’étend jusqu’à Montpellier, le site de France 3 Languedoc-Roussillon contient un onglet renvoyant au blog. Des « articles liens » sont également mis en ligne par nos collègues de Montpellier.

Dans ce contexte, la croissance de notre audience se poursuit et, pour les six premiers mois de 2016, nous dépassons déjà le score de l’année 2015. Au fond, notre ambition est aussi simple qu’exigeante : apporter une vraie plus-value. Nous cultivons les petits pas de côté, nous mettons parfois notre oeil dans le trou de la serrure. Il s’agit aussi d’apporter un autre regard à une information déjà publiée. Mais notre contre-modèle, c’est le journalisme de réécriture : la reprise d’infos déjà chez nos concurrents et la dépêche AFP recyclée. Certes, il peut arriver qu’une info incontournable se retrouve sur le blog. Bien évidemment. Mais ce n’est vraiment pas notre ligne éditoriale. Enfin, et c’est essentiel, nous développons au long cours des dossiers d’investigation à la clef de révélations. Par exemple : l’affaire de l’inéligibilité de Dominique Reynié, [tête de la liste Les Républicains aux élections régionales pour Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées], celle de l’homme d’affaires Mike Layani et son « escroquerie à la crevette brésilienne », ou plus récemment la condamnation de la conseillère régionale Béatrice Négrier. Dans le sillage de cette dynamique, nous avons de plus en plus de remontées spontanées d’information. C’est un indice précieux et appréciable. Le fait que des contacts décrochent spontanément leur téléphone prouve que le pari est réussi. Le blog existe.

Parallèlement, deux émissions politiques sont lancées en cette rentrée…

Oui, en premier lieu “Dimanche en politique” est un nouveau rendez-vous dominical proposé dans toutes les régions sous l’impulsion de Francis Letellier. En parallèle, nous lançons un nouveau produit 100% Web : Politique Café. Au travers d’une discussion libre autour d’un café, Fabrice Valéry - à l’initiative et à la mise en oeuvre de ce nouveau format de 9 minutes -, Patrick Noviello et moi-même, abordons l’actualité politique avec un ton décalé, frais et spontané. Nous y dirons ce que nous n’avons pas forcément dit dans nos colonnes ou à l’antenne. Le rythme de publication sera hebdomadaire.

Pour revenir au blog Politique, celui-ci se distingue assez souvent par la sensibilité des informations qui y sont publiées. Etes-vous soutenu par votre direction ?

Cela fait plus de dix ans que je suis journaliste politique, à Paris puis à Toulouse, et il m’est déjà arrivé d’avoir des clignotants rouges... Mais s’agissant de France 3, je n’ai jamais eu de coups de sifflet, à aucun moment je n’ai été retenu. Même si, bien sûr, certains articles peuvent nourrir des discussions internes. Nous sommes clairement soutenus par notre direction et les différents rédacteurs en chef qui se sont succédés, hier Laurent Mazurier et aujourd’hui Fabrice Goll.

Comment réagissent les élus concernés par vos articles les plus incisifs ? Avez-vous été attaqué, menacé ?

Oui, c’est arrivé à plusieurs reprises. Que ce soit sous forme de pressions, de menaces de poursuite en justice ou d’insultes sur les réseaux sociaux. J’ai même été agressé verbalement lors de la couverture du déplacement de François Hollande dans le Tarn, par un élu de la République. C’est parfois sportif. Mais ce ne sont vraiment pas pour moi des lettres de gloire, je fais mon job. Des élus pensent que nous sommes agressifs. C’est leur droit de le penser et de le dire. Evidemment. Mais nous ne cherchons pas l’affrontement et à porter systématiquement le fer dans la plaie. Pour nous, il s’agit d’être pertinents, et impertinents, au bon sens du terme, de savoir secouer le cocotier quand il le faut. Je suis toujours désagréablement surpris par la véhémence et l’intolérance de certains élus. La moindre critique ou observation et c’est la guérilla. Je trouve cela profondément malsain. Les journalistes doivent accepter les critiques. Mais les élus ont le devoir d’accepter la contradiction. On ne peut pas se draper dans les grandes déclarations sur la Démocratie, afficher un style « sympa » et souriant et se comporter en autocrate. Ce n’est pas honnête. Et, parfois, franchement, les bornes sont franchies. Lorsqu’un parlementaire écrit à notre direction, à mon encontre, une missive diffamatoire, ce n’est pas acceptable. C’est une tentative de pression. On appelle le patron pour intimider. Je pèse mes mots. C’est scandaleux, c’est une atteinte à la liberté de la presse. Après il faut prendre du recul et rester professionnel. Pas question de répondre à des méthodes de « voyous » par une attitude de voyou, ni de verser dans le « boycott » ou la « vendetta » : c’est une ligne éthique de base que de ne pas personnaliser les conflits dont nous pouvons faire l’objet. En revanche, certains politiques, qui veulent que l’on relate uniquement leur point de vue, sont, justement, dans cette personnalisation. Ceci étant, depuis sa création, ce sont des milliers de papiers qui ont été publiés et, heureusement, les turbulences restent marginales. Et même quand ça tangue, certains responsables politiques restent parfaitement « clean ».

Propos recueillis par Frédéric Dessort, AJT-MP

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